UPE2A à Sainte-Marie Lyon

Sainte-Marie Lyon avait ouvert une classe pour accueillir des enfants migrants dans notre pays, dans ce qu’il est convenu d’appeler une UPE2A, c’est-à-dire d’une unité pédagogique pour les élèves arrivant allophones.

C’était en 2016, à la suite des crimes de DAECH qui poussaient à l’exil des familles chrétiennes d’Irak et de Syrie. Certaines avaient atterri dans la Région lyonnaise, leurs enfants avaient été affectés dans des établissements publics qu’ils avaient très vite fuis, maltraités par des enfants d’origine maghrébine considérant que les nouveaux venus, venant de pays majoritairement musulmans, ne pouvaient être que musulmans… et non des arabes chrétiens, oxymore incompréhensible en France. Sans préparation particulière, sans savoir faire, nous avions accueilli quelques-uns de ces enfants ; des familles de l’établissement avaient créé une association pour nous venir en aide (conversations, aide aux devoirs, invitations pour leur faire découvrir la ville, les accueillir…).

Malgré la différence entre un enfant allophone de six ans qui apprend la langue en même temps que ses camarades nés en France et un jeune de quinze ans supposé suivre un cours de lycée que beaucoup d’adolescents français ont du mal à suivre, nous avons eu la joie de voir la réussite au baccalauréat général de tous ceux que nous avons présentés. Quelle admiration pour leur capacité de travail, de résilience comme on dit aujourd’hui !

Or, depuis trois ans, la situation en Syrie, en Egypte, en Irak, d’où venaient la plupart de nos élèves, s’étant sinon améliorée du moins stabilisée, la population de notre classe d’UPE2A a considérablement évolué : les migrations se suivent et ne se ressemblent pas, contrairement à ce qu’un coup d’œil extérieur laisse croire. Nous accueillons non seulement des migrants non francophones mais des NSA – enfants « non-scolarisés-antérieurement » et même des « MNA », c’est-à-dire des « mineurs non accompagnés » … pauvres êtres humains mis dans l’acronyme administratif du Ministère comme on réduit une piscine à un « MAS » c’est-à-dire un milieu aquatique standardisé ! Migrants pour cause de guerre, de pauvreté, ils n’ont jamais pu apprendre à lire, à écrire, même dans une autre langue, et se retrouvent parfois sans parents, dans un pays étranger.

Camerounais, tchadien, maliens, égyptiens, libanais, roumains, ukrainiens… nous sont envoyés par les autorités académiques. Nous leur faisons la gratuité de la scolarité et de la cantine, l’Académie ne semblant pas savoir que les écoles sous contrat vivent des forfaits et des scolarités payées par les familles. Mais les familles de Sainte-Marie Lyon répondent encore généreusement à l’aide que nous sollicitons.

Aux premiers froids de l’automne, nous avons vu arriver certains jeunes en t-shirts et espadrilles. Leur foyer ne dispose pas de pull-overs, de vêtements ou de chaussures plus chaudes. Une collecte auprès des parents a donné très rapidement un beau résultat. Certains de ces jeunes nous ont demandé de pouvoir parler aux enseignants pour leur exprimer leur gratitude. Ils l’ont fait dans un français approximatif mais le message est parfaitement passé et nous nous sentions presque honteux d’entendre ces mercis. Malgré les difficultés objectives d’enseignement et d’éducation, quelle joie de pouvoir les accueillir dans notre maison mariste, avec l’aide de tous.

Nous avons accueilli aussi quatre Ukrainiens. Ils retrouvent dans le dispositif des Russes ; l’entente est très bonne entre toutes les nationalités ! La classe UPE2A est un lieu de paix où les conflits des pays d’origine, les craintes des français à « accueillir toute la misère du monde » … peuvent être dépassés par une camaraderie vécue au quotidien.

Témoignage de l’Ukraine

Le Lycée Saint-Vincent à Senlis entretient un lien très fort avec l’Ukraine, historiquement mais aussi fraternellement avec notamment un échange. Voici une lettre d’une enseignante de Français de l’établissement en question qui participe à cet échange depuis plus de 20 ans. Les initiatives locales sont nombreuses mais je souhaite vous partager ce témoignage :

Statue d’Anne de Kiev à Saint-Vincent

« Chers amis !
Aujourd’hui l’Ukraine est en feu. Nos soldats en première ligne font preuve d’un héroïsme sans bornes défendant leur Patrie.

Nos élèves ne peuvent pas aller à l’école, les gens doivent descendre se réfugier au sous-sol craignant des bombardements. Il est terrifiant que les gens doivent vivre ainsi au 21ème siècle, sur le sol européen. Ces quatre jours ont changé à jamais notre pays et le monde. Où sont tous ceux qui ont promis de capturer Kiev en deux heures ? Je ne les vois pas. Mais je vois une armée héroïque, des gardes victorieux, des gardes-frontières intrépides, des sauveteurs désintéressés, des policiers fiables, des anges médicaux infatigables. Tous ceux qui font leur devoir.

Des milliers et des milliers de citoyens qui ont pris les armes, ont rejoint les rangs de la défense territoriale et se battent. Des SDF qui récupèrent les bouteilles pour ceux qui préparent des cocktails Molotov, des gitans, qui volent des chars à l’ennemi, comme des chevaux avant.
Pendant la guerre il n’y a pas que les soldats qui meurent. Malheureusement, la population civile et surtout les enfants, souffre énormément. A ce jour, de nombreux enfants sont morts et beaucoup ont été blessés.
Maintenant surtout, la guerre apporte aux enfants des souffrances émotionnelles, du stress et des dépressions nerveuses. Des nuits dans des abris anti-bombes ou dans le métro, les sons d’une sirène, des tressaillements d’explosions – la psyché d’un enfant fragile a beaucoup de mal à supporter tout cela.
Pourquoi est-ce que je parle des enfants ? Depuis de nombreuses années dans le cadre d’échange entre nos deux établissements les élèves de mon école avaient la possibilité de venir dans votre lycée pour améliorer leur niveau de français, découvrir la culture et l’histoire de votre région. Nous recevons beaucoup d’appels de familles qui recevaient nos enfants. On sent le profond soutien des professeurs du lycée. Nous vous remercions pour les actions organisées avec les étudiants. Nous avons vu une compréhension profonde du malheur ukrainien, son désir dans ces moments difficiles de nous tendre la main. Elle a réussi de vous présenter notre âme slave. Nous sommes reconnaissants à tous ceux qui ont prié pour nous ces jours-ci, qui ont collecté de l’aide humanitaire, apporté des fleurs, allumé des bougies.

Nous vous remercions pour votre amitié et votre solidarité.
En cette période difficile, vous, nos amis, restez l’épaule de l’amitié, levez-vous pour aider notre pays, obligez vos dirigeants à prendre rapidement des décisions politiques, économiques et militaires en notre faveur. Nous avons un dicton « On reconnait ses amis dans les périodes difficiles ». Aujourd’hui nous voyons clairement que l’Ukraine a des amis fiables. 

Vive l’Ukraine et vive la France »

Véra, le 1er mars 2022